Extrait du livre de Jacques A. Bertrand, Tristesse de la balance et autres signes.
Merci à Ikigo pour ce partage rigolo… 🙂
“Par Jupiter! s’écria-t-il. (By Jove! dans la version originale). C’était un sagittaire.
Le sagittaire fait souvent référence à Jupiter, soit par conviction religieuse, soit par snobisme. Soit par vanité: le sagittaire se croit volontiers sorti de la cuisse de Jupiter. La plus grosse planète du système solaire est sa maîtresse et, dans l’homme zodiacal, le sagittaire figure la cuisse. (Tout se tient).
La cuisse est le point faible du sagittaire. Pour le reste, il a une santé de cheval. D’ailleurs, on le représente avec un buste d’homme sur un corps de cheval. Avec un arc et une flèche. Tous ces attributs lui donnent une espèce d’ampleur dans le mouvement. Le sagittaire prend de la place.
Son assise solide -sur quatre sabots- et sa hauteur de vue lui permettent de tirer ses flèches assez haut et loin (n’importe quel expert en balistique le confirmera). Mais le sagittaire n’a pas forcément l’ambition de viser les étoiles.Il se contente souvent de la chasse, des jeux olympiques, du commerce en gros, voire de l’arrivée du tiercé à la télévision. Quoi qu’il en soit, il a tout pour réussir, dans la quête spirituelle ou dans la conquête matérielle. Cependant il lui arrive d’échouer dans les deux.
Le sagittaire est souvent sage, mais il éprouve souvent le besoin de s’agiter. Il se met alors à galoper dans tous les sens, à lancer des ruades et à tirer en l’air. Ce sont des défauts de jeunesse qui lui sont d’autant plus facilement pardonnés qu’on s’accorde généralement a lui trouver la figure joviale. (Tout se tient.)
On aura reconnu dans ces quelques traits un authentique descendant du centaure. Le centaure remonte à la plus haute antiquité. A l’époque, les dieux faisaient plein d’enfants à des mortelles bien moulées dans des tuniques très simples. Cela donnait parfois des centaures (Les dieux savent pourquoi).
Saturne déguisé en étalon, en avait fait un à Philyre, une ravissante océanide. Philyre en fut désespérée. Elle avait tort: le petit centaure Chiron devint un sage. (Pas comme d’autres centaures qui ne pensaient qu’à la bagatelle, qu’à la politique ou qu’à l’arrivée du tiercé à la télévision.)
Ces épisodes essentiels de l’histoire de France sont scandaleusement passés sous silence dans les manuels récents.
Dans “Fantasia” de Walt Disney, on voit une colonie de centaures évoluer gracieusement dans la nature au son de la “Pastorale” de Ludwig van Beethoven. Vers la fin, un orage éclate et l’on voit Jupiter en personne sortir des nuages pour décocher quelques éclairs. Or Ludwig van Beethoven et Walt Disney étaient tous les deux des sagittaires. (Tout se tient.)
Le sagittaire est un signe de feu. C’est le dernier feu de l’automne. Il voit loin. Il joue les guides, les prophètes, les gardiens de phare. Il a l’esprit de synthèse. Il fait un excellent professeur, un remarquable organisateur. Il adore parler et organiser des réunions. Il organise des réunions pour pouvoir parler. Comme il parle longuement, il est réputé de bon jugement.
La magistrature lui tend les bras. Il les repousse poliment. Il préfère voyager. L’aventure le tente. Mais en tout bien tout honneur: il sera explorateur plutôt qu’aventurier. L’honorabilité est le dada du sagittaire.
Quand chez lui l’animal l’emporte, sa croupe épanouie lui donne un côté percheron. C’est un sensuel tranquille. Un bon vivant. Il se tape volontiers sur les cuisses. Mais il demeure raisonnable, économe, conformiste. C’est un notable; un habile maquignon qui songe parfois à la députation. On le désigne facilement comme juré.
Il a ses emportements mais il sait se tenir: il pose sa foudre et rentre tranquillement dîner avec Junon et les enfants.
Quand le haut l’emporte, c’est un cheval de tête. Il est moins en chair. Quelque peu ombrageux. Il court aussi l’aventure mais intérieure. Il est en quête d’une initiation, soucieux de connaissance, de perfection, de sagesse – toutes choses qui rendent l’homme très malheureux mais forcent le respect de ses biographes.
A part ça, le sagittaire peut faire ce qu’il veut. De la musique comme Berlioz, de la poésie comme Éluard, du cinéma comme Fritz Lang, de l’aviation comme Mermoz, de la politique comme Churchill. Ou l’arrivée du tiercé à la télévision comme Zitrone.
C’était la fin de l’automne. By Jove! s’écria le sagittaire et il décocha sa flèche en direction d’un printemps mythique. Le capricorne qui, au seuil de l’hiver, affichait déjà cet air détaché qui sied si bien à sa physionomie, fit semblant de ne pas s’en apercevoir.”