Partage d’un texte d’Henry Miller, relatif au Capricorne et aux influences saturniennes, merci à Sido pour la découverte de ce texte, à qui je laisse la parole…
Je ne comprends pas toutes les allusions. Certaines sont sûrement un peu datées. Du coup je suis allée voir le thème de Miller. Il est Capricorne, bien sûr ! Dans ses oeuvres il parle assez souvent d’un de ses amis, un astrologue qui a joué un rôle important dans sa vie. Cet homme paraissait incroyablement doué. Entre autres choses il pouvait, parait-il, en parlant quelques instants avec une personne trouver sa date de naissance. Mais il s’agit d’un personnage très ambigu. Même très sombre. Miller l’a hébergé pendant assez longtemps dans sa propre maison. Ça s’est assez mal terminé. Il raconte tout ceci dans “Un diable au paradis”. Voila pour le petit clin d’oeil littéraire.
Sido
Henry Miller, le Colosse de Maroussi
Voir le livre intégral ici même.
C’est une vision ici très sombre qu’il dépeint de cette planète, je vous invite à lire une vision plus humaniste et moderne ici… 🙂
“Mais passons. Passons à Saturne. Saturne, et notre Lune pareillement, lorsqu’on les regarde à travers une lentille grossissante, impressionnent le profane d’une façon que le savant doit instinctivement déplorer et désavouer.
Aucun fait, aucun chiffre ayant trait à Saturne, ni aucun grossissement ne peuvent expliquer la sensation déraisonnable d’inquiétude que la vue de cette planète produit sur l’esprit de l’observateur.
Saturne est un symbole vivant de sombre mélancolie, de morbidité, de désastre, de fatalité. Sa teinte laiteuse évoque inévitablement toutes sortes d’associations d’idées: tripes, matière grise morte, organes vulnérables et secrets, maladies répugnantes, éprouvettes, spécimens de laboratoire, catarrhe, mucosités, ectoplasmes, fantômes neurasthéniques, phénomènes morbides, guerre entre incubes et succubes, stérilité, anémie, indécision, défaitisme, constipation, antitoxines, romans médiocres, hernie, méningite, lois qui demeurent lettre morte, bureaucratie, conditions de vie de la classe ouvrière, exploitation du travailleur, Associations des jeunesses chrétiennes, Rassemblements de culturelles pour jeunes gens, séances de spiritisme, poètes du genre T.S.Eliot, fantastiques de l’espèce d’Alexandre Dowie, guérisseurs du type de Mary Baker Eddy, hommes d’état du calibre de Neuville Chamberlain, fatalités banales, comme de glisser sur une peau de banane et de se fêler le crâne, ou de rêver de jours meilleurs de se retrouver à demi écrabouillé entre deux camions, de se noyer dans une baignoire, de tuer accidentellement son meilleur ami, de mourir du hoquet au lieu de périr sur un champ de bataille, et ainsi de suite ad infinitum.
Saturne est maléfique à force d’inertie. Son anneau, qui n’est pas plus épais qu’une pelure de papier (à en croire les savants), est l’anneau nuptial qui signifie mort ou malheur totalement dénué de sens.
Saturne, qui qu’il puisse être aux yeux de l’astronome, est le signe d’une fatalité absurde aux yeux de l’homme de la rue. Ce dernier le porte dans son coeur parce que sa vie entière, dépourvue de signification qu’elle est, se trouve tout enveloppée de cet ultime symbole sur lequel il peut compter pour lui donner le coup de grâce, au cas où le reste n’aurait pas réussi à l’estourbir.
Saturne, c’est la vie en sursis : non pas mort tellement, qu’absence de mort, c’est-à-dire inaptitude à la mort. Saturne est comme un os mort dans l’oreille – une double mastoïdite de l’âme.
Saturne est comme un rouleau de papier peint collé à l’envers et barbouillé de cette colle de pâte catarrhale que les tapissiers trouvent si indispensable à leur profession.
Saturne est une vaste agglomération de ces glaviots de sinistre apparence que l’on s’arrache de la gorge, le matin, après avoir fumé plusieurs paquets de cigarettes d’un tabac croquant, rôti à point, anti-toux, et fameux pour le génie.
Saturne, c’est l’atermoiement se manifestant comme un accomplissement de soi. Saturne, c’est le doute, la perplexité, le scepticisme, le fait pour l’amour du fait et surtout, hein ? pas de boniments, pas de mysticisme, compris ?
Saturne, c’est la suée diabolique du savoir pour le savoir, le brouillard congelé de l’incessante quête du monomanie, courant pour attraper la carotte qui lui dansera éternellement devant le nez.
Saturne est délicieusement mélancolique, parce qu’il ne connaît ni ne reconnaît rien hors de la mélancolie; il baigne dans sa propre graisse. Saturne est le symbole de tous les mauvais présages, de toutes les superstitions, la preuve tocarde de la divine entropie – tocarde car s’il était vrai que l’univers court à sa perte, il y a beau temps que Saturne aurait fondu.
Saturne est aussi éternel que la peur et l’irrésolution – un peu plus laiteux et nuageux à chaque compromis, à chaque capitulation. Les âmes timides tendent les bras vers lui, à peu près comme les enfants sont censés tendre les leurs vers l’huile de ricin désodorisée.
Saturne ne nous donne que ce que nous demandons, pas une once de plus. Saturne est l’espoir blême de la race blanche, cette race d’intarissables babilleurs qui ne cesse de vanter les merveilles de la nature et passe son temps à exterminer la plus grande de toutes : L’HOMME.
Saturne est l’imposteur stellaire qui se fait passer pour le grand cosmocrate du Destin, sorte de Monsieur de Paris et de bourreau-robot d’un monde frappé d’ataraxie. Les cieux peuvent bien chanter sa gloire – ce globe lymphatique de doute et d’ennui ne cessera jamais de projeter ses rayons laiteux de tristesse lugubre et sans vie.
Telle est la photographie affective d’une planète dont l’influence hétérodoxe continue à peser lourdement sur la conscience presque éteinte de l’homme. C’est bien le spectacle le plus décourageant qu’offrent les cieux. Il correspond à toutes les images de lâcheté conçues par le coeur humain; il est l’unique dépositaire de tous les désespoirs et de toutes les défaites auxquels la race humaine a succombé depuis les temps immémoriaux. Il ne deviendra invisible que le jour où la conscience humaine se sera purgée de lui.”
Whouaaa!
C’est déprimant ou déconcertant, mais c’est toujours bon de connaître son adversaire
Merci
Ah oui c’est tellement sinistre que ça en devient drôle !! Mais bon il ne faut quand même pas tout jeter avec ce bon vieux Saturne quand même ….
Bonne fin de journée 🙂